Le congrès Digital SITL a permis, sur 4 jours, de faire un bilan de la crise du COVID-19 sur le plan logistique, mais aussi de traiter des solutions de livraison du dernier kilomètre sur le plan social, énergétique et technologique.

La Semaine de l’Innovation du Transport et de la Logistique (SITL) a organisé du 23 au 26 juin un format digital, afin de palier à l’absence de l’édition physique du salon.

Avec 4 thématiques par jour, le salon digital a réuni 5000 professionnels, ce qui constitue une performance. Toutes les thématiques du transport et de la logistique étaient abordées et notamment la logistique urbaine et le dernier kilomètre.

Lors de la conférence inaugurale, Anne-Marie Idrac, Présidente de France Logistique, notait qu’un des points positifs de la crise est que la logistique est reconnue pour son utilité. « On ne rendra jamais assez hommage au dévouement des acteurs ».

Un dernier kilomètre plus vert

La conférence sur la Green Logistics du 24 juin a été l’occasion de faire le point sur les nouvelles énergies, notamment pour les livraisons urbaines. Sébastien Jan, responsable de la mobilité électrique et hydrogène de Michelin, a annoncé, à cette occasion, que le nouveau Renault Master à hydrogène sera commercialisé mi 2021. Si l’hydrogène apporte des solutions futures de transition énergétique, la solution actuelle est, pour de nombreux types de véhicules, le gaz. Jean-Claude Girot, président de l’AFGNV, nous a rappelé que le nombre de stations est aujourd’hui de 144 et que, dans un an, il se situera entre 228 et 250. Le maillage du territoire devient ainsi meilleur et permettra de faire émerger des solutions. Le GNV permet de réduire de 40 à 64% les émissions de Nox et participe à un dernier kilomètre plus vert.

Le même jour, une conférence sur le dernier kilomètre et la chaîne du froid a été l’occasion pour Yves Moine, directeur Supply Chain de Picard, de préciser les ambitions nouvelles du groupe en livraison à domicile mais aussi en installation de distributeurs dans les universités, afin de rapprocher les produits des consommateurs.

La robotisation est-elle une solution pour les livraisons urbaines ?

Le 25 juin, deux conférences ont porté sur la robotisation et sur le modèle social du dernier kilomètre.

TwinsWheel, fabricant français de robots de livraison, a présenté les 3 modèles de robots « follow me », qui suivent un livreur. Le robot qui porte 50 kg de produits est testé avec Franprix. Un robot qui porte jusqu’à 150 kg permet d’accompagner un technicien. Des tests de ce robot sont réalisés avec Enedis. Enfin, un robot plus gros, de 1m3 / 300 kg permet d’accompagner un livreur de colis ou de courses alimentaires. Les robots totalement autonomes ne sont pas encore autorisés en France mais testés.

Le modèle social du dernier kilomètre : un sujet plus que jamais d’actualité

La table-ronde sur le modèle social du dernier kilomètre, qui sera diffusée en replay par l’organisateur du salon, était l’occasion d’un très riche débat autour des évolutions législatives et sociales. Un article de la Loi d’Orientation des Mobilités, concernant les plateformes numériques, a été censuré par le Conseil Constitutionnel. Les autres articles sont en attente de publication des décrets d’application.

Laetitia Dablanc, directrice de recherche à l’Université Gustave Eiffel, a exposé les résultats de la 3ème enquête sur les micro-entrepreneurs de livraison instantanée dans Paris, qui interviennent pour 5 plateformes de livraison de repas. Cette enquête, diffusée sur le site de la Chaire Logistics City[1] permet de constater que les livreurs à plein temps, qui étaient 20% en 2016, représentent maintenant près de 80% de cette population. 31% d’entre eux livrent en scooter et 37% utilisent un compte en partage, qui peut laisser imaginer des dérives vers des solutions illégales. Laetitia Dablanc estime que, sans interdire la livraison instantanée, il faut œuvrer vers la formation et la professionnalisation de ces livreurs qui sont aujourd’hui livrés à eux-mêmes et de plus en plus nombreux. L’enjeu est important car 29% de ces livreurs ont déjà été victimes d’accidents.

Hervé Street, Président du SNTL, rappelle que le transport de marchandises est une profession réglementée. Il considère qu’il y a deux lois différentes qui s’appliquent et deux modèles sociaux : celui d’entreprises qui apportent à leurs salariés des contrats de travail, des actions de formation et un projet d’évolution professionnelle et celle des plateformes, qui développent des modèles sociaux dangereux et sont « irresponsables sur toute la chaîne de valeur ». Les livreurs de ces plateformes sont payés à la course, ce qui génère un modèle accidentogène, interdit pour les transporteurs depuis 1994.

Sur le plan sanitaire, Hervé Street estime aussi que les risques liés au transport de produits frais par des livreurs indépendants, dans des véhicules non prévus à cet effet, sont réels.

Derrière ces modèles sociaux se posent aussi des modèles économiques fragilisés par la livraison « gratuite ». La livraison devient alors une variable d’ajustement.

Maître Michel Leclerc, associé du cabinet Parallel avocats, qui a fait durant cette conférence un état des lieux de la réglementation actuellement en vigueur, considère que certains modèles, comme celui d’Amazon Flex, très présent aux Etats-Unis, ne serait pas légal en France. Pour Hervé Street, le fait d’utiliser une voiture pour livrer 20 colis aurait aussi un impact environnemental. Un véhicule utilitaire en contient en général 80 à 100. Il faudrait alors 4 à 5 fois plus de véhicules pour faire les mêmes opérations. Sur le plan environnemental, Hervé Street rappelle que si les transporteurs font des efforts réels, les plateformes s’orientent de plus en plus fréquemment vers des scooters anciens, bruyants et polluants.

Ce débat passionné a permis à Marc Dalbard, du groupe PTV, de rappeler qu’il faut se servir de cette crise pour aller plus loin et acquérir une collaboration entre acteurs de la logistique urbaine pour supporter d’autres crises et améliorer le modèle social. Cela passera par la mise en œuvre de nouvelles ressources logicielles ou matérielles.

Lors de la conférence de clôture du congrès, Eric Ballot, Professeur à Mines ParisTech a fait un bilan de la crise sur le plan logistique. Elle nous a permis de constater que le Juste à Temps ne fonctionnait pas partout. Tous les secteurs ne connaissent pas la linéarité du secteur automobile. La crise a mis en évidence à la fois le rôle de la logistique mais aussi la vulnérabilité d’une économie éclatée.

Rendez-vous est pris pour la prochaine édition de la SITL 2021, cette fois-ci en format présentiel !

[1] https://www.lvmt.fr/chaires/logistics-city/