Le secteur du tourisme représente 8% du PIB dans l’hexagone. Dans un contexte de pandémie, une perte de 320 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le secteur du tourisme a été estimé dans le monde. La France perd quant à elle 50 milliards d’euros, touchant directement les transports, l’hôtellerie, la restauration ainsi que le commerce de détail. Ce contexte intensifie le déséquilibre des flux sur le territoire.

Dans un contexte incertain de pandémie due au COVID-19, de nombreux français ont choisi de rester en France pour leurs vacances d’été. Pourtant, sur le mois de juillet, une baisse de 25% d’activité a été constatée par le cabinet Protourisme. Les touristes français ne compensent donc pas pour le moment les flux d’étrangers. Quels sont alors les impacts sur la livraison des marchandises ?

La capitale désertée

Le tourisme urbain, qui dépend principalement du tourisme étranger et d’affaires, est fortement impacté. Le secteur hôtelier de la capitale connait un faible taux d’occupation, de seulement 33%. Ce taux approchait les 90% en juillet 2019. Or, à Paris, le petit commerce de détail (qui inclut les hôtels, cafés et restaurants) représente la plus grande part de livraisons avec plus de 200 000 par jour, soit plus de 30% des livraisons.[1] La fermeture des hôtels induit une baisse significative des livraisons dans la capitale. En effet, le secteur des hôtels, mais aussi des cafés et restaurants génère des flux d’alimentation, de boissons, mais aussi d’entretien et de linge.

La clientèle française, attirée par la côte ou la montagne, ne compense pas l’absence de tourisme étranger dans les zones urbaines. Ceci d’autant plus que le potentiel d’achat des touristes en zone urbaine, notamment ceux en provenance d’Asie ou d’Amérique, représente un montant important qui manque crucialement aux commerces qui ont fait le choix d’une orientation vers cette clientèle : le commerce de luxe, les grands magasins parisiens par exemple. Selon le Comité Régional du Tourisme, l’Ile-de-France a perdu 16 millions de visiteurs, ce qui représente près de 7 milliards d’euros de manque à gagner depuis le début de l’année.[2]

Les territoires ruraux en progression

La répartition des flux logistiques en période estivale a toujours été inégale sur le territoire. Mais le contexte de COVID-19 semble accroître ce phénomène. Au global, un déséquilibre Nord-Sud est observé de façon très marquée dans l’hexagone, avec les trois quarts des projets de séjour concentrés dans les régions Paca (26 %), Nouvelle-Aquitaine (20 %), Occitanie (20 %) et Auvergne-Rhône-Alpes (14 %).[3]

Le littoral, qui concentre généralement 40% des flux touristiques, s’avère toujours très attractif. Par rapport à 2019, Provence-Alpes-Côte d’Azur a enregistré 22 % de touristes français supplémentaires sur la 2ème semaine de juillet. Après un mois de juin difficile, le taux de remplissage hôtelier a finalement atteint 80% en juillet sur la Côte d’Azur grâce aux touristes français. Cette disparité sur une si faible période complique l’anticipation des stocks et des flux. Face à une telle demande, l’approvisionnement des commerces devient quotidien. La mutualisation des flux devient alors plus que nécessaire pour limiter la congestion. Dans ce cadre, les projets d’espaces logistiques urbains dans les stations estivales, comme la ville de Cannes, sujette à une forte saisonnalité touristique, prennent alors tout leur sens. Ces infrastructures permettent de répondre aux besoins croissants de livraisons en zone urbaine dense, tout en réduisant l’impact environnemental des transports.

La grande majorité des destinations enregistrées par les plateformes de location en ligne concernent des départements ruraux ou montagneux. L’Ardèche par exemple a observé une hausse des réservations de 80% par rapport à l’année dernière, et la Dordogne 90% de progression. Les Vosges ont également enregistré deux fois plus de réservations cet été par rapport à 2019. Habituellement moins prisées, la Creuse et la Corrèze ont aussi noté une progression de la fréquentation. De quoi perturber les acteurs du transport du dernier kilomètre et de la logistique, non accoutumés à de tels volumes.

La côte ouest et les zones insulaires ne sont pas en reste. A Saint-Pierre d’Oléron par exemple, un trafic de plus de 1000 colis par jour a été enregistré, soit près de trois fois plus qu’en basse saison. Le décalage des soldes en plein été a sans doute accentué le phénomène de saisonnalité. De tels volumes lancent un véritable défi aux logisticiens.

Des changements comportementaux qui influencent les flux

Dans un contexte incertain de pandémie, le comportement des vacanciers a évolué. Les réservations sont effectuées au dernier moment, près d’un tiers étant réalisées pour le jour même ou dans la semaine à venir. Cette incertitude complexifie les prévisions de charge logistique, notamment d’approvisionnement des commerces et de gestion des déchets. Les volumes de déchets dans certaines stations peuvent en effet être multipliés par 2 à 3 selon les stations. Des services supplémentaires doivent souvent être mis en place par les collectivités pour nettoyer les zones très fréquentées, notamment les plages.

D’autre part, selon le cabinet Protourisme, les propriétaires de maisons secondaires se sont réservés leur usage ou hésitent à louer leur logement du fait des risques sanitaires. En effet, sur les plateformes de location entre particuliers, un quart des logements habituellement proposés ne l’ont pas été cette année. Les solutions de drive alimentaire et de livraisons à domicile sont alors des services très appréciés par les vacanciers habitués à utiliser l’e-commerce en territoire urbain. Il s’agit également d’une opportunité pour les producteurs locaux. Les consommateurs sont en effet de plus en plus soucieux de la qualité des aliments qu’ils achètent et de la bonne rémunération des producteurs. De quoi satisfaire les 332 drive fermiers répartis sur le territoire.

Face à de nouveaux flux et à de nouveaux profils de touristes, les acteurs de la livraison du dernier kilomètre doivent une fois de plus s’adapter. L’organisation des trajets, la consolidation des marchandises ainsi que l’émergence de nouveaux services constituent ainsi des facteurs clé de succès pour des vacances réussies.


[1] Etude APUR – Atlas des Grandes Fonctions Métropolitaines – P.28

[2] https://vivreparis.fr/paris-catastrophe-en-vue-pour-le-tourisme-cet-ete/

[3] https://www.letelegramme.fr/france/tourisme-la-bretagne-prisee-par-les-europeens-mais-boudee-par-les-francais-31-07-2020-12591820.php