Face à des manques de matériel de protection sanitaire dans les hôpitaux, la logistique est en première ligne pour livrer le personnel soignant en flux tendus. Des initiatives solidaires accompagnent localement ces mesures d’urgence. La livraison est au cœur de la chaîne d’approvisionnement des services de santé et des malades.

La France fait face à une pénurie de masques, dont la distribution est rationnée et priorisée auprès du personnel soignant. La sous-capacité de production française couplée à une absence de gestion centralisée des stocks stratégiques de masques en sont les causes. En effet, en 2013, le secrétariat général de la défense et de la sûreté nationale (SGDSN) transfère la responsabilité d’une partie du stock de masques aux employeurs. Le stock, auparavant géré par un organisme spécialisé, s’est décentralisé. Le niveau de stock est passé de 992 millions en 2010 à 472 millions en 2014. Les besoins hebdomadaires sont estimés à 40 millions de masques, or les capacités françaises de production ne sont que de 8 millions. Il faut donc innover, adapter les lignes de production et commander de nouvelles machines pour réduire notre dépendance aux importations, notamment de Chine.

Plus d’un milliard de masques ont été commandés par la France, sans certitude de livraison. Cette situation est identique dans de nombreux pays touchés par le virus. Un pont aérien a été créé entre la Chine et la France afin d’acheminer ces commandes chaque semaine sur l’hexagone pendant 14 semaines. Le dédouanement des marchandises est réalisé en amont grâce au support des douanes françaises. La sécurisation est quant à elle assurée par la gendarmerie des transports aériens (GTA).

Dans un tel contexte de flux tendus, les innovations vont de pair avec les initiatives de solidarité.

Par exemple, la Startup Bones a installé 60 machines à impression 3D dans l’AP-HP de Cochin, dans le 14ème arrondissement de Paris. L’impression de lunettes de protection, de masques, de lisières de protection, de valves pour les appareils respiratoires ou encore de poignées de coudes sont autant d’éléments qui peuvent aider les équipes médicales à se protéger et protéger les autres. La production in-situ a le grand avantage d’adapter facilement la fabrication à la demande et d’éliminer les délais de transport. L’ensemble des Fablab et Maker français se sont mobilisés pour servir les hôpitaux à l’échelle locale.

Parmi les nombreuses innovations, notons celle déployée par Safran sur les masques de plongée Easybreath de Decathlon. Un filtre apposé sur le masque assure une filtration de 99,9% du virus, selon les résultats de tests effectués en milieu hospitalier par l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées. 200 masques ont déjà été livrés le 14 avril à destination du personnel soignant dans des CHU ainsi que 25 000 adaptateurs imprimés en 3D.

La communauté SupplyChain4Good initiée par l’Aslog et Movin’On, initialement engagée dans le transport durable des marchandises, s’est également mobilisée pour la protection du personnel exposé. Pendant la période de pandémie, le réseau met en relation les acteurs qui ont des besoins avec ceux qui ont des ressources. Les synergies créées ont permis par exemple d’assurer l’acheminement de plus de 1650 visières de protection et de connecteurs de valves pour les respirateurs à l’IHU de Strasbourg. Tous les besoins urgents en termes de stockage, livraison et logistique peuvent être envoyés à l’adresse urgences@aslog.fr .

Au-delà des masques et autres équipements de protection, certains médicaments subissent également des ruptures de stock. C’est notamment le cas des curares, des initiateurs anesthésiques, anti-douleur, antibiotiques et cortisone. Un guide des bons usages a été diffusé afin de permettre la réduction de leur consommation sans conséquences importantes pour les patients. Bien que les curares ne soient pas des produits rares, leur production a été délocalisée en Chine ou en Inde et les niveaux de stock ont été réduits au niveau local pour des raisons économiques. La consommation ayant soudainement été multipliée par des facteurs de 2 à 5, les fournisseurs peinent à assurer les livraisons.[1]

Les médicaments comportent des risques de fabrication, de commercialisation, de consommation, mais également de transport. Dans un contexte de pandémie, les importations sont réalisées dans une situation de tension ; il est alors essentiel d’être vigilant quant à la manière dont les médicaments sont transportés afin de maîtriser les risques. De nombreuses solutions existent, comme l’a notamment détaillé notre article de novembre dernier sur « la traçabilité de la livraison des médicaments : enjeu majeur de santé publique ».

Afin de libérer des lits dans les hôpitaux surchargés, les hôtels sont sollicités. A Calvi par exemple, la préfecture de Haute-Corse a réquisitionné un hôtel à la demande des médecins et de l’Agence Régionale de Santé. 20 lits y ont été installés et 20 autres pourront être mis à disposition en cas de besoin. Les malades concernés par ce dispositif doivent être suivis médicalement mais peuvent se passer d’hospitalisation.

Pour cette même catégorie de malades, l’hospitalisation à domicile a également été maintenue en France. L’OMS avait par ailleurs publié dès le 20 janvier des lignes directrices provisoires à destination des prestataires de soins à domicile. En parallèle, les acteurs de la logistique spécialisés continuent d’assurer la livraison des produits de santé à domicile pour soutenir cette activité, ainsi que les urgences sanitaires. Les colis doivent alors être laissés sur le palier, selon les recommandations du ministère des solidarités et de la santé.

La multiplicité des initiatives solidaires, tant publiques que privées, qui participent à l’éradication de cet ennemi invisible, met la livraison au premier plan. Il s’agit de livrer en flux tendus, mais aussi dans des situations nouvelles d’initiatives solidaires. Les lieux de livraison évoluent lors de l’ouverture de nouveaux centres d’accueil de malades. Les conditions sanitaires de livraison s’ajoutent aux contraintes habituelles liées à la livraison de produits de santé.

La livraison indispensable dans la chaîne de maintien des services de santé doit s’adapter à cette situation inédite. Solidarité, réactivité et créativité sont plus que jamais nécessaires pour préparer la résilience de notre société face à ce défi.


[1] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/medicaments-masques-tests-la-course-aux-equipements-contre-le-coronavirus-1190012