La crise du coronavirus nous force à repenser les processus de livraison afin de limiter la propagation du virus. Des solutions innovantes émergent et sont expérimentées. Elles seront peut-être demain généralisées, changeant alors les pratiques existantes.

Pendant la période de confinement, les livraisons à domicile restent autorisées. Le gouvernement a publié les « Précautions sanitaires à respecter dans le cadre de la livraison de colis » afin de protéger livreurs et consommateurs du risque de contamination. Les conditions précisent qu’une distance d’un mètre doit être respectée entre le livreur et le client si la livraison en boîte aux lettres n’est pas possible. Le colis ne peut pas être remis de la main à la main. D’autre part, aucune signature manuscrite ne peut être recueillie.[1] C’est là une certaine révolution dans la forme habituelle de réception des marchandises livrées.

La livraison dite « sans contact » s’est donc généralisée, donnant lieu à des innovations numériques.

La société Suisse Scandit spécialisée dans la vision numérique et la lecture de codes-barres a lancé une application pour la livraison sans contact. Grâce à cette solution, le client utilise son propre smartphone pour scanner un QR code que lui tend le livreur. Il scanne ensuite le code-barre du colis puis signe avec son doigt sur son propre téléphone afin de confirmer la livraison. Dans le contexte actuel de pandémie, l’application est mise à disposition gratuitement jusqu’à fin septembre.

Le choix du mode de livraison sans contact peut être laissé au destinataire. Certains acteurs de la livraison ont adapté leurs terminaux afin que le livreur puisse prendre en photo le colis livré devant la porte du destinataire. La photo fait alors office de signature.  Une alternative déployée consiste à faire signer le destinataire sur l’étiquette du colis, et non sur le terminal. Le livreur prend ensuite une photo de l’étiquette signée afin de documenter la livraison. Sans demander de signature, certains transporteurs demandent à ce qu’une carte d’identité avec photo soit présentée au livreur.

Dans d’autres cas, le destinataire peut indiquer au livreur un endroit précis de dépose du colis chez lui (par exemple devant sa porte ou sur sa table de jardin). Ce choix implique d’éliminer tout contact entre personnes. Via une application, il est parfois possible pour le destinataire d’envoyer une photo de l’endroit exact de dépose souhaité. Enfin, il peut être proposé d’imprimer et de remplir un formulaire d’autorisation de dépose de colis, permanent ou unique, et de le laisser signé à la portée du livreur afin qu’il puisse le récupérer. La géolocalisation du livreur peut également constituer une preuve de livraison du colis.

Il est toutefois possible que certaines de ces solutions, qui dérogent à la signature du destinataire et ainsi à, la preuve de la livraison, soient à l’origine de contestations. Ces différentes solutions souvent mises en œuvre dans l’urgence des recommandations gouvernementales, ne constituent que des éléments de preuve et pas nécessairement une preuve irréfutable de la livraison.

Une alternative imaginée pour la livraison sans contact consiste à utiliser des modes de livraison autonomes, donc sans contact possible avec un livreur.

Des drones ont ainsi été utilisés pour le transport de matériel médical à Wuhan, entre les sites logistiques de JD.com et l’hôpital. JD.com a également déployé la livraison par drone dans des zones reculées près de Xi’an, ou encore près du lac d’Hubei. Cette dernière opération, organisant la livraison des produits de première nécessité, a permis d’assurer des livraisons sans contact en 20 minutes contre au moins 6 heures par la route ou le fleuve.

Plusieurs hôpitaux de Pékin sont équipés de robots autonomes qui permettent de servir les patients dans leurs chambres, éliminant ainsi tout contact entre les malades et le personnel soignant. Les robots sont systématiquement désinfectés entre chaque patient. La livraison sans contact de produits alimentaires a également été déployée grâce à des robots et des véhicules autonomes. JD.com a par exemple testé la livraison en véhicule autonome dans le quartier de Haidian à Pékin. Afin de limiter l’exposition de personnel à Wuhan, au cœur de l’épidémie, le géant chinois a déployé plusieurs véhicules de livraison intelligents, pilotés à 1200 km de distance depuis Pékin. Les rues vides en période de confinement ont été une opportunité idéale pour mettre en œuvre ces tests.

Le recours aux casiers de retrait automatiques constitue un autre moyen de limiter le contact entre livreurs et consommateurs.

C’est pourquoi le gouvernement de Singapour prévoit de développer un réseau de 1000 points de retrait automatiques à l’intention de tous les logisticiens et plateformes e-commerce. Les consignes automatiques permettent dans le même temps d’augmenter l’efficience de la livraison. Un livreur peut livrer jusqu’à 250 colis par jour en consignes de retrait automatique, soit 4 fois plus qu’en livraison à domicile. Lorsque les effectifs sont réduits ou que l’activité s’accroît soudainement, cette solution devient stratégique.[2]

Afin d’éviter les refus de livraison nécessitant une signature du destinataire, JD.com a déployé plusieurs coffres de dépôt dans des ensembles résidentiels clos. Dès que le colis y était déposé, un code-barre est envoyé au destinataire via une application mobile. Le client peut alors récupérer son colis à tout moment. L’application laisse la possibilité à des résidents volontaires de récupérer les colis pour les personnes qui ne peuvent pas quitter leur logement.

La livraison sans contact est donc d’ores et déjà devenue la norme pendant la crise actuelle et les domaines d’application semblent être très étendus.

Une guerre, puisque le terme a été utilisé, est aussi, au-delà des difficultés et des drames, une opportunité pour développer et tester de nouvelles technologies. La « guerre » du coronavirus annoncera-t-elle un changement durable des pratiques de livraisons ? Ces exemples montrent que les technologies se sont mises en place en un délai particulièrement court pour apporter des solutions opérationnelles immédiates. Un retour d’expérience permettra de mesurer les impacts de ces mesures, non seulement sur le plan sanitaire, mais sur le plan qualitatif.


[1] https://www.economie.gouv.fr/coronavirus-precautions-sanitaires-livraison-colis

[2] https://www.parcelandpostaltechnologyinternational.com/analysis/singapore-goes-all-out-in-out-of-home.html